REPORT - PARAL-LEL FESTIVAL

REPORT - PARAL-LEL FESTIVAL




Après pas mal d’attente, de teasing, d’excitation, d’interrogations et de deux petites heures de car, nous voilà arrivés à destination ; perdus au milieu des montagnes catalanes, pour cette première édition du Paral-lel festival. Le cadre est brut, idyllique et mystique. Il fait chaud, l’air est frais, les arbres dansent déjà au gré du vent. Cette atmosphère si particulière que les montagnes dégagent en contexte de festival se fait déjà ressentir. Forcément, les souvenirs du Labyrinth, mon festival référence qui a lieu dans les montagnes japonaises, font surface.

Je prends conscience qu’entre la qualité du cadre et celle de la programmation, la barre est placée très haut. Bien que les programmateurs espagnols soient – à juste titre – déçus de ne pas avoir pu recevoir Donato Dozzy cette année, ils n’ont pas à rougir des 16 artistes invités cette année. À titre personnel, je ne fais pas dans l’originalité : ce sont les prestations de Peter, Abdulla, Cio et Luigi que j’attends tout particulièrement. Je suis également très curieux d’assister à la première venue en Europe de Jamie McCue, boss de l’excellent label Silent Season, au live de Mohlao et au closing de Natural/electronic.system.

Jour 1

À peine le temps de poser nos affaires et d’admirer le luxe de nos tipis, que déjà on entend résonner au loin le début du set de Luigi Tozzi ; point de niaiserie, j’abandonne ma team qui s’installe d’un pas un peu trop tranquille à mon goût.

Le moment fatidique du premier constat arrive ; descendu du camping, je passe par un petit chemin dans la forêt qui mène à la clairière où prennent place les festivités. Peu de temps après mon arrivée, le premier kick résonne. Pas de doute, la clairière est magnifique ; seule la scénographie est un peu trop minimaliste à mon goût. Au milieu de ce paysage à couper le souffle, la fine tente blanche protégeant le DJ booth des intempéries fait clairement cheapos. Les quelques lights placées derrière l’artiste ne remontent pas le niveau non plus. On repassera l’année prochaine pour voir quelque chose de plus élaboré ! Passons aux choses sérieuses, le son. Equipé d’un Funktion One plutôt bien réglé, la qualité sonore est une agréable surprise. Le volume étant encore relativement bas, on sent encore tout de même un manque de brillance générale et de clarté dans les fréquences basses (problèmes qui seront résolus quelques heures plus tard).

En charge de lancer les hostilités, Luigi Tozzi régale. Après une entrée en matière ambiante, le jeune italien s’aventure sur une techno des montagnes douce, brumeuse, débordante de délai et de reverb. Bien qu’on n’ait rien entendu de très surprenant au vu du personnage, ça a été extrêmement efficace, agréable et adapté comme warm-up. Le chant des montagnes est lancé.

Pour les curieux, son set est disponible ci-dessous :



Au jeune poulain de l’écurie Hypnus succède le « vétéran » Eric Cloutier (qui aurait d’ailleurs aussi mérité sa place dans ma shortlist introductive). Après ces 2 heures de ritaleries, l’Américain a vite compris comment déchaîner les foules et lancer la danse : jouer plus sec. Alternant entre dub, techno plus ou moins « dancefloor » de Détroit et de la house, on sent l’habilité et l’expérience du père Cloutier derrière les platines : c’est parfaitement cohérent et ça s’enchaîne très bien.

Après un dernier track d’anthologie que je vous joint ci-dessus, Svreca s’installe dans le booth.
Tout en sachant pertinemment que j’apprécierais sûrement le mindgame en arrivance, j’appréhendais un peu la réaction du public avant que l’Espagnol ne débute. Pas évident évident d’avaler la techno très mentale et sans aucune concession du boss de Semantica après ce set très dansant de Cloutier.
Au final après une première heure lente, peu dansante, oscillant entre le passionnant et le très chiant suivirent 2 heures de massacrage en règle. C’est la purge, mais pas au sens « secret warehouse techno party » du terme ; les notions de temps et de changement de morceau se perdent au fur et à mesure que les rythmes complexes de Svreca s’enchevêtrent. Parfois très expérimental, son set n’en perd pourtant rien en intensité. Meilleure performance d’une première soirée très réussie, la dernière note m’envoie rapidement dans mon tipi où un matelas et des draps propres m’attendent, un luxe pas dégueu en festival, il faut le dire.



JOUR 2

La faute à un réveil tardif, j’arrive seulement pour la fin du set de Guilam. Un ami lève tôt ne m’en dit que du bien, je viens apparemment de rater un set d’ambiant de qualité. La journée débute, le ciel est dégagé, le soleil puissant. L’ambiance dégagée par le début du live de Cyspe au milieu des arbres et des montagnes est plus que prometteuse. Armé d’un watermelon espagnol et d’un muffin, j’apprécie tout particulièrement la prestation du Néerlandais. De la techno comme on en entend que bien trop peu à Paris : lente, méditative et brumeuse, parfaitement construite et exécutée.

Je profite de la performance d’A.P. pour entamer une petite ballade montagnarde qui se prolongera jusqu’au début du live d’Arovane. Après une intro breakée muy caliente, j’avoue m’être un peu fait chier. Sa première heure de live entre IDM et expé ne collait pas. Sa deuxième heure de live fut tout autre ; dub-techno très classe, plus à mon goût.

Je ne l’ai d’ailleurs pas évoqué, mais l’atmosphère de cette deuxième journée est assez unique. Tous les visages croisés la veille m’apparaissent déjà familiers, et l’impression d’être à mi-chemin entre un festival et une fête entre amis particulièrement réussie se confirme. Tous le monde semble dans un très bon état d’esprit, les barmans et bénévoles sourient. Malheureusement une impression de déjà-vu s’installe lorsque Jamie MacCue s’installe derrière les platines : le vent se lève, des nuages arrivent. À Terraforma en Juillet dernier (festival que je conseille à tous, à quelques kilomètres de Milan), ces quelques nuages s’étaient transformés en tempête qui avaient contraint le festival à s’arrêter pendant plusieurs heures. Avec une amie, nous décidons d’en profiter pour remonter au tipi chercher des victuailles. Nous n’en redescendrons malheureusement pas ; l’orage qui couvait explose, et force Jamie McCue à arrêter de jouer seulement une vingtaine de minutes après avoir débuté. Pensée particulièrement émue pour lui, sachant qu’il s’agissait de son premier gig et voyage en Europe.

Après quelques heures étonnamment très gaies passées dans notre tipi, la tempête se calme ; nous redescendons dans la clairière, en espérant très fort que le matériel n’a pas été endommagé. Fort heureusement après une heure d’attente, la musique reprend dans une ambiance complètement hors du temps. La scène est magnifique ; la brume s’est emparée de toute la colline, on ne voit pas grand chose à plus de vingt mètres. Difficile de proposer un contexte plus parfait à mon guru Abdulla Rashim, qui, stoïque comme à son habitude, débute son set. Il aura objectivement réalisé une très bonne performance, mais j’aurais apprécié qu’il s’adapte un peu plus au contexte. Trop de sonorités noise/modulaires un peu trop métalliques à mon goût, pas assez de nappes brumeuses suédoises.

Shifted était sûrement le seul artiste qui ne m’inspirait pas confiance sur le line up. Au final, c’est souvent quand les espérances sont basses qu’on en ressort agréablement surpris. Bien qu’un peu trop agressif par moment, sa techno sombre et glaciale a eu le mérite de réveiller tout le monde. Une vingtaine de minutes avant la fin de son set je me suis accordé une petite pause, en prévision du début du set du roi Peter. Pour être tout à fait honnête, ça fait 5 minutes que j’essaye de trouver les mots devant mon écran d’ordinateur pour décrire ce que l’on s’est pris dans la tête pendant ces 3 heures. De la première seconde à la dernière, tout ne fut que perfection. Aucune erreur et un choix de morceaux plus que parfait. Le genre de set où quand tu te dis « tiens ça serait pas mal qu’il parte par là », soit il te suit, soit il prend une autre direction, meilleure que celle que tu aurais aimé qu’il prenne. En comparaison à son set au Labyrinth 2015, déjà exceptionnel, c’était encore au-dessus. Après ce voyage cosmique si intense, je suis parti m’effondrer dans mon tipi.

JOUR 3

À nouveau sorti du lit trop tard, je rate le warm-up et la première demi-heure du live de Mohlao. Je me presse de descendre dans la clairière ; fort heureusement le soleil a repris le dessus, le sol est presque à nouveau sec. J’approuve encore une fois la direction artistique du festival qui a fait le choix de la dub-techno pour débuter ; pour ce format horaire, Mohlao et Cyspe auront chacun réalisé une performance bien au-dessus de la moyenne.

Annulé à cause de l’orage de la veille, Refracted réussit à jouer une heure entre Mohlao et Cio. En revanche, Jamie McCue ne récupère pas de tranche horaire... Après une heure de techno un peu plus rythmée et très efficace également de sa part, Cio d’Or se lance, une première fois. Des soucis techniques sont en effet venus l’interrompre. Très communicative, l’artiste semble toutefois quelque peu troublée, et ça se ressent techniquement. Plusieurs transitions ratées, mais qu’importe ; la qualité de sa sélection l’emporte. Je la savais fan dévouée de Mike Parker, mais pas au point de jouer plus d’une demi-douzaine de morceaux de sa composition. On a aussi eu la chance d’écouter le tout nouveau missile stratosphérique de Wata Igarashi, Void, sorti sur la dernière compilation de Semantica, qu’elle a joué pile au bon moment.

Après une jolie ovation de la foule pour l’allemande, les deux italiens de Natural Electronic System lancent leur set de closing. En débutant leur set par Sunday Morning de Deadbeat, morceau issu de son génial album Primordia, ils réussissent à me convaincre très rapidement qu’on allait assister à quelque chose de sérieux. Et effectivement, mission réussie pour les deux jeunes ritalos : en délivrant un set de « vraie » techno minimale, le genre de truc qui ne se produit plus tellement aujourd’hui, la foule entière a dansé plus que de raison pendant toute la durée de leur performance. De mon côté je me suis également éclaté ; le festival s’est terminé d’une très belle manière, dans la joie et le partage.

Pour une première édition, il va sans dire que Paral-lel fut un succès. L’équation est simple : en montagne, ce type de techno que j’apprécie tant prend tout une toute autre dimension. Quand les artistes suivent et qu’on a en plus la chance d’assister à un set d’anthologie de PVH, le bilan est sans appel. Au lieu de te tourner machinalement vers les désormais très (et trop ?) courus Dimension et Dekmantel l’année prochaine, sors de ta zone de confort et va faire un tour au Paral-lel. Un grand bravo à toute l’équipe pour leur travail sérieux et leur bonne humeur tout au long du festival, et ce malgré les caprices de mère nature. Mention toute particulière à Félix pour sa gentillesse et son accueil.

À l’année prochaine ;)

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